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C’est au grand-père paternel de Ludovic, Joseph-Louis
(1765-1827), que la famille Lepic doit sa fortune et sa
réputation. Après des promotions rapides au sein des
armées révolutionnaires, il s’illustre dans les guerres
du Directoire puis du Consulat. et devient colonel-major
des grenadiers à cheval de la garde impériale.
Suite à sa conduite héroïque à Eylau, Napoléon le fait
baron et général de brigade. Le titre de comte lui
revient après son ralliement à Louis XVIII. C’est son
nom qui figure sur l’Arc de Triomphe et que porte la
célèbre rue de Montmartre.
Trois des enfants (trois autres sont morts en bas âge)
issus de son mariage avec la fille du maire d’Andrésy,
Joséphine-Félicité Geoffroy, suivent la carrière des
armes, dont Louis-Joseph-Napoléon Lepic (1810-
1875). Ce dernier épouse Louise-Pascalie-Antoinette-Aglaé Faure, fille d’un négociant en vin originaire
de Saint-Péray en Ardèche, puis devient officier
d’ordonnance du prince-président de la République
(1849) et premier maréchal des logis du Palais (1851).
Quotidiennement au contact de l’empereur, il dispose
d’un appartement aux Tuileries jusqu’à la défaite de
Sedan après laquelle il se retire à Andrésy.
Peu documentée, la jeunesse de Ludovic Napoléon se
déroule sous la férule d’une grand-mère autoritaire,
dans un cadre familial dont l’aisance financière lui
rend incompréhensible la notion d’économie et qui
perçoit très mal sa vocation précoce pour les beaux arts.
Il obtient son diplôme de bachelier ès-lettres à
l’issue de ses études au lycée Bonaparte (aujourd’hui
Condorcet), en 1858, puis décide d’embrasser la
carrière des arts à la grande désolation des siens, et de
sa grand-mère en particulier, qui voit le fils unique de
la branche aînée tourner le dos au champ d’honneur...
Aux études de droit, dont la respectabilité aurait pu rendre moins pénible le renoncement à Saint-Cyr,
le jeune Ludovic préfère l’enseignement du peintre
officiel du roi des belges, le baron Gustave Wappers
(1803-1874), puis de l’animalier belge Charles Verlat
(1824-1890). En 1862, il rejoint l’atelier de Charles
Gleyre (1806-1874) qu’il fréquente en même temps
que Bazille, Monet, Renoir et Sisley. De 1864 à au
moins 1866, il assiste aux cours de Cabanel.
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Vers la fin des années 1850 ou au tout début des
années 1860, le jeune homme désinvolte et dandy,
que Disderi photographie accompagné de sa mère,
mène une vie mondaine aussi active au moins que
sa vie artistique. Il suit la cour dans certains de ses
déplacements, particulièrement dans les villes d’eaux,
et fait preuve d’un tempérament facétieux.
Le 29 décembre 1866, le vicomte Ludovic Napoléon
Lepic épouse Joséphine-Jeanne-Marie-Thérèse
de Scévole de Barral, fille du comte Napoléon-
Amédée Hortense de Barral, décédé en 1864, et
de Marie-Clotilde de Rey, dont le berceau familial
se situe à Voiron en Isère, avec en dot une fortune
non négligeable. C’est durant cette période qu’il
effectue un voyage aux Pays Bas. Peu avant, dans la
région de son épouse où naît sa première fille Eylau-
Eugénie-Hortense, il s’initie à l’archéologie : Lepic
expérimente, fouille et publie.
Après Sedan, il a fallu quitter les Tuileries pour
regagner la propriété familiale d’Andresy où est née
sa seconde fille Jeanine. Au début des années 70, il
voyage en Italie et effectue des fouilles en Savoie,
dont le produit entre en partie le musée d’Aix-les-
Bains qu’il crée et dote en peintures.
C’est durant cette période, aussi difficile sur le plan
moral que financier, que Lepic découvre le littoral
normand (1870) et picard (1873), en particulier la
plage de Cayeux.
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Le premier tableau de Degas représentant de façon
indiscutable son ami est le Ludovic Lepic et ses filles
de la collection Bührle, peint sans doute à Andrésy
vers 1870 - 1871. S’il est bien sûr possible que leur
amitié soit plus ancienne, cette toile en est le premier
signe tangible. C’est en tout cas Degas qui persuade
Lepic de se joindre à la première exposition des
impressionnistes en 1874 chez Nadar. Tous deux
fréquentent de nombreux endroits communs : la
maison Fournaise à Chatou, lieu de prédilection, au
même titre que la Grenouillère, des impressionnistes,
le café de la rue de la Rochefoucauld où ils retrouvent
Jules Bastien-Lepage (1848-1884) et Henri Gervex
(1852-1929), auteur d’un portrait de Ludovic en
1881, et l’Opéra de Paris pour les spectacles et les
danseuses envers lesquels ils partagent une même
passion. Au sein du même cercle figurent Marcellin
Desboutin (1823-1902) qui représente Ludovic dans
son atelier vers cette époque, Édouard Lainé et
l’italien Giuseppe de Nittis (1846-1884).
En 1876, Lepic est victime d’un cambriolage au cours
duquel la demeure d’Andrésy est vandalisée. Très
affecté, il cherche refuge sur les bords de la Manche.
De 1877 à 1885, il passe le plus clair de son temps
à Berck où il navigue et peint sur le motif. En 1881,
il est nommé peintre de la marine ce qui lui vaut,
l’année suivante, de participer à une expédition en
Egypte.
La préférence pour son atelier berckois (il travaille
également à Paris,d’abord rue de la Rochefoucauld
puis rue de Maubeuge) ne l’empêche pas d’exposer
dans la capitale où il fréquente le milieu musical et
théâtral (il est un familier des Pont-Jest et de Sarah
Bernhardt) ainsi que le monde de l’Opéra. Malgré la
naissance d’une troisième fille, en 1874, les liens avec
son épouse se sont distendus jusqu’à la séparation
suivie du divorce en 1885. Depuis au moins la fin des
années 1870, on lui connaît une maîtresse officielle,
la danseuse de l’Opéra Brigitte-Marie Sanlaville, chez
qui il décèdera en 1889.
Ses dernières années sont marquées par la maladie
dont ses derniers portraits, peints par Louise
Abbéma et Degas, portent les stygmates et par des
soucis d’argent peu compatibles avec un mode de vie
toujours aussi dispendieux.